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en ce qui concerne cette question, tous les jurisconsultes chiites sont d'avis que le sexe actuel des enfants demeure le critère de base pour le partage de l'héritage. Donc si un garçon change de sexe (et devient une fille en apparence) avant la mort de son père, il aura plutôt la part d’héritage qui revient à une fille et non la part qu'obtient un garçon. Sa part sera équivalente à la part d'une fille. En d'autres termes, le garçon actuel (la fille qui s’est fait opérer pour devenir un garçon en apparence) obtient la part équivalent au double de l'héritage d'une fille actuelle (le garçon qui s’est fait opérer pour devenir un garçon en apparence). Concernant l'héritage que la mère ou le père qui a changé de sexe doit obtenir dans les biens de son enfant trois hypothèses se présentent :
L'hypothèse la plus probable est celle qui stipule que le lien et le droit à l'héritage qui unissent les parents à l'enfant ne sont pas rompus. Le père a droit aux deux tiers des biens de l’enfant dès qu’il entre dans la phase de nidation (implantation de l'œuf fécondé dans la muqueuse utérine de la femme) même s'il change de sexe après et devient une femme. La mère de son côté gagne le tiers même si elle modifie son sexe et prend l’apparence d’un homme. En effet, la part du père ou de la mère qui a changé de sexe s'évalue en fonction du moment où l'œuf (ou l'embryon) se fixe et commence à se développer. Ce critère reste inchangé même si le père ou la mère se fait opérer le sexe. Donc le critère du droit des parents à l'héritage sur les biens de leurs enfants dépend de la formation de l'embryon dans le ventre de la mère et non du changement de sexe du père ou de la mère.
En ce qui concerne la question posée, nous procédons à l'analyse de son contenu en selon deux situations :
1- La part de l'héritage qu’obtient une personne qui a changé de sexe.
2- L'héritage que les parents qui ont changé leurs sexes obtiennent des biens de leur enfant.
3- L'héritage que l'enfant qui a modifié son sexe obtient de ses parents.
En guise d'exemple, si un garçon se transforme en fille est-ce-que sa part d'héritage sera équivalente à celui du garçon ou à celui de la fille ? Tous les jurisconsultes chiites s'accordent sur la question et affirment que le critère du partage de l'héritage repose sur le sexe actuel.[1] Donc on dit que le garçon ou la fille a changé de sexe à partir du moment où il ou elle se fait opérer dans le but de modifier le sexe. Les dispositions relatives aux questions telles que l'héritage, se définissent en fonction du sexe (homme ou femme). A partir du moment où le garçon, la fille, la sœur, le frère etc.… changent le sexe, l'objet sur lequel s'appliquent la disposition et la règle change aussi. En d'autres termes, la règle suit l'objet. Si une personne de sexe masculin change de sexe avant la mort de son père pour devenir une fille, il n'aura pas la part de l'héritage qu'obtient normalement le garçon. Il n'aura que l'équivalent de la part de l'héritage d'une fille. Car le sexe actuel du sujet au moment de la mort de l'un de ses deux parents demeure le critère de base pour le partage de l’héritage. Donc si en mourant quelqu'un laisse un garçon (la fille ayant modifié son sexe) celui-ci sera considérer comme une fille et aura la part de l'héritage d’une fille.[2] L'article 209 du code civil iranien stipule : « s'il existe plusieurs enfants parmi lesquels on a des garçons et des filles, les garçons obtiennent le double de la part des filles ». Cette loi s'applique aussi en tant que tel. Ainsi, le garçon actuel (la fille ayant modifié son sexe) obtient le double de la part de la fille actuelle (le garçon ayant changé de sexe).
B - L'héritage qu'obtiennent les parents qui ont changé leurs sexes.
Si un père modifie son sexe et devient une femme en apparence, quelle est la part de l'héritage qu'il emporte des biens de son enfant ? Sa part sera-t-elle évaluée en fonction de son sexe actuel ou alors du sexe qu'il avait avant ? De même si une mère change de sexe et devient un homme en apparence est-ce que sa part d'héritage sera évaluée en fonction du sexe actuel qu'elle a ou de la femme naturelle ? On se retrouve ici avec trois hypothèses[3] dans l'ensemble :
1- a- Première hypothèse : les parents qui changent de sexe n'obtiennent rien de l'héritage de leurs enfants.
La première hypothèse stipule que les parents qui ont changé de sexe n'obtiennent absolument rien de l'héritage de leur enfant. Les liens qui instaure l'héritage ici sont complètement rompus à partir du moment où les parents ont changé de sexe. On peut justifier cette hypothèse ainsi : après la mort de l'enfant, il est nécessaire que le père et la mère de l'enfant (au moment de la mort de leur progéniture) portent le titre de père et de mère naturel pour avoir droit à l‘héritage de leur enfant. Dès que ce statut naturel change il n'y a plus d'héritage. En d'autres termes, à partir du moment où le père change de sexe, il est considéré actuellement comme une femme et non un homme. De même si la mère modifie son sexe, elle est considérée comme un homme et non une femme. Donc, au moment du décès de leur enfant ils perdent le titre de père et de mère, le critère de base pour bénéficier de l'héritage de leur enfant.[4] Cette hypothèse est inacceptable et personne n'y a aucun intérêt. Cette idée est juste évoquée comme hypothèse car même si nous avons des doutes sur le fait qu'on ne peut plus les considérer comme les parents, cela ne signifie pas que le lien de l'héritage est rompu juste parce que les parents ont changé de sexe. En d'autres termes, le changement de sexe ne constitue pas un obstacle à l'héritage (en ce qui concerne le père et la mère qui doivent hériter de leurs enfants).
1- b- Deuxième hypothèse : le père qui a changé de sexe obtient deux tiers de l'héritage et la mère qui a modifié son sexe obtient à son tour le tiers.
La deuxième hypothèse (qui est la plus probable d'ailleurs) stipule que le père ou la mère qui ont changé de sexe héritent de leur enfant décédé. L'imam Khomeiny et tous les autres jurisconsultes musulmans reconnaissent l'existence de l'héritage en soi. On peut se baser sur plusieurs preuves pour établir que l'héritage demeure effectif :
1ère preuve : le verset 7 de la Sourate Nisaa[5] dans lequel il est question de l'héritage des parents et des proches d'un mort. Il n'y a donc aucun problème que l'homme ou la femme actuelle qui avant était père ou mère soit considérée comme les parents les plus proches de l'enfant décédé. Pour cette raison, ils ont droit à l'héritage du défunt[6]
2ème preuve : le verset 75 de la Sourate Anfaal[7] qui stipule que les proches ont des droits les uns des autres dans le livre. Alors l'homme actuel et la femme actuelle (le père et la mère qui ont modifié leurs sexes) sont les personnes les plus rapprochées du défunt; par conséquent, les biens et les droits du mort leurs revient.[8]
3ème preuve: la pérennité de la parenté du père et de la mère même après modification du sexe
Après avoir changé de sexe, le père ou la mère demeurent toujours les parents de l'enfant. Islamiquement et communément, l'enfant est considéré comme le leur. Etant donné que le lien de parenté est effectif, l'héritage l'est aussi; en d'autres termes, le lien ici est considéré comme la cause et l'héritage comme l'effet. A moins qu'une situation telle que l'homicide, la malédiction, le renégat et la mécréance ne se présente, le changement de sexe n'est pas une privation de l'héritage.
Donc après avoir modifié son sexe et devenu une femme, on dira toujours dans le langage islamique et populaire que cette personne est le père de tel enfant (père géniteur). De même, si une mère modifie son sexe dans le but de devenir un homme, islamiquement et communément on dira toujours que telle personne est la mère de tel enfant malgré la modification du sexe.
Il parait que le critère de l'héritage du père ou de la mère qui a changé de sexe dépend de l'instant où il y a "formation de l'embryon dans le ventre". Donc même si les parents changent de sexe, ils ont le droit d'hériter de leur enfant (le père a deux tiers et la mère un tiers) du moment où l'œuf fécondé de l’enfant s’est déjà fixé dans la muqueuse utérine. Cela se justifie dans le coran, la sunna et le consensus. L'héritage est effectif et il n'y a plus d'autres critères qui établissent son partage si ce n'est « la nidation ». Cependant, la considération du moment de la mort en tant que critère de partage de l'héritage est inconcevable, dans le cas où l'homme actuel (la mère ayant modifié son sexe) emporte les deux tiers et la femme actuelle (le père ayant modifié son sexe) ne gagne qu'un tiers. En effet, ce principe de partage des deux tiers et d’un tiers repose sur le titre de "père et de mère". Par conséquent, l'homme actuel n'est pas considéré comme le père et la femme actuelle n'est pas également considérée comme la mère car l'homme actuel (la femme ayant changé de sexe) n'est pas le propriétaire du sperme qui a engendré l'enfant. De même, la femme (le père ayant modifié son sexe) n'est pas la mère qui a porté l'enfant pendant neuf mois et l'a accouché. Donc l'unique principe restant sur lequel on peut se baser pour procéder à la répartition des biens en termes de deux tiers et d’un tiers, demeure " la nidation".
1- c- 3ème hypothèse: Le père qui a changé de sexe obtient les un tiers et la mère qui a changé de sexe obtient à son tour les un tiers.
Selon ce critère la femme actuelle (le père ayant modifié le sexe) obtient les un tiers de l'héritage de l'enfant et l'homme actuel (la femme ayant changé de sexe) obtient les deux tiers de l'héritage. Un peu comme si l'homme actuel devenait le père et la femme actuelle la mère. Cette hypothèse est trop faible et ne repose sur aucun argument susceptible de l'appuyer; car on ne peut pas dire: la mère après avoir changé de sexe doit être considérée comme le père. Et aussi le père après modifié son sexe doit être considéré comme la mère; en d'autres termes, la différence entre le père et la mère pour ce qui est de la part de l'héritage dépend de l'instant où l'embryon se fixe dans l'utérus. Ainsi, le père donc le sperme a servi à féconder l'œuf de l'enfant a les deux tiers de l'héritage et la mère donc l'ovaire a été fécondé obtient les un tiers. Certes l'imam Khomeiny affirme ceci : "la précaution pratique (recommandée) veut que les deux parties fassent un arrangement à l'amiable.[9] Mais selon d'autres jurisconsultes chiites, il n'existe aucune place pour l'arrangement à l'amiable entre le père te la mère car ils demeurent tel quel même après avoir modifié les sexes. Et si tel n'est pas le cas (si on ne considère pas que le père et la mère demeurent toujours les parents de l'enfant malgré le changement de sexe) on se verra dans l'obligation de procéder à un arrangement à l'amiable dans la répartition de l'héritage entre les deux.[10]
Remarque : l'héritage des proches parents de 2ème et de 3ème catégorie qui ont modifié leurs sexes.
Le critère de base pour la répartition de l'héritage du défunt aux personnes telles que le frère, la sœur, l'oncle paternelle, la tante paternelle, l'oncle maternelle, la tante maternelle et bien d'autres parents qui se trouvant dans la 2ème et la 3ème catégorie dépend de leurs sexes actuel. En effet, si le frère change de sexe et devient une fille et vice-versa ce changement de sexe s'applique sur tous les tantes et oncles que ce soit du côté paternel ou maternel. En d'autres termes, les deux titres changent aussi immédiatement après la modification du sexe et dans tous ces titres, le sexe actuel est le critère de base pour la répartition de l'héritage et quelle que soit la situation entre les deux, ils héritent.
[1]- Imam Khomeiny, Tahrir ul Wasilah, vol 2, page 559, Sayyed Mohammad Sadr mawara al fiqh, vol 6, page 139; Mohammad Moumine Kalimatou Sajida fi masa'ili Jadida, page 117; Kharazi Sayyed Mohammad Moussine, le changement de sexe, fiqh Ahl-ul bayt (écrit en arabe) question 33
[2]- Khaza'i Sayyed Moussine, Revue de jurisprudence Ahl-ul-bayt (écrit en arabe), question 23, page 260
[3]- Imam Khomeiny, Tahrir ul wasilah, vol 2, page 559
[4]- Moutahari, Mousnad Ahmed, Tahrir ul wasilah, page 203
[5]- Sourate Nisaa : 7
[6]- Moutahari, Mousnad Ahmed, Tahrir wasilah, page 203
[7]- Sourate Anfaal: 75
[8]- Moutahari, Mousnad Ahmed, page 204
[9]- Imam, Khomeiny, Tahrir ul wasilah, vol 2, page 560, page 560
[10]- Khaza'i Sayyed Moussine, fiqh ul Ahl-ul-bayt (arabe) ,question 23, page 263