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L’imam Ali (as) dit dans un autre passage de nahjul balagha : « Quiconque place les mains sur les genoux en signe d’indignation face à un malheur verra tous ses actes anéantis »
Selon les propos rapportés par l’auteur de Mountaha Amaal l’imam Hossein (as) dit à sœur Zeynab : « Ma chère sœur ! Par Dieu je te prie de ne pas déchirer ton voile et te griffer le visage avec les mains en te lamentant. Ne sanglote pas à cause de ma mort »
Abou Ja’far Qoumi rapporte que l’imam Ali (as) donnait ses recommandations à l’un de ses compagnons : « Ne revêt jamais le noir car c’est l’accoutrement du pharaon. » Il est mentionné dans Tafsir Saafi que le prophète avait pris des femmes l’engagement de ne pas porter le noir lors d’un malheur, s’abstenir de déchirer le voile ou de hurler.
Le messager de Dieu recommande à Fatima (as) dans Fourough Kafi : s »i je meurs n’ensanglante pas ton visage, ne t’ébouriffe pas les cheveux et ne hurle pas »
Le Sheikh des chiites Mohammad ibn Hossein ibn Babeveh Qoumi connu au sein de cette école sous le patronyme de Sheikh Sadouq affirme : « Ces propos du prophète font partie de ceux qui n’ont pas de précédent : les chants funèbre font partie du paganisme d’avant l’islam »
Les savants chiites comme Majlisi, Nouri ou Bourougerdi ont rapporté du prophète (ç) ce hadith : « Il existe deux voix exécrables que Dieu n’aime pas entendre : les lamentations et les cris lors d’un malheur, le son des chants et la musique »
Au delà de tous ces hadiths, la question qui se pose est celle-ci : pourquoi les chiites ignorent tous ces hadiths pourtant porteurs de vérité ? Qui croire ? Les paroles du prophète (ç) et des Ahl-ul-bayt (as) ou celles des savants chiites d’aujourd’hui ?
Par rapport à cette question, il importe d’évoquer quelques éléments :
1 – Il ne suffit pas qu’un hadith soit mentionné quelque part pour qu’on lui accorde un quelconque crédit.
2 – Il ne faut pas ignorer les facteurs temps et lieu dans le changement des dispositions de la loi islamique
3 – Seuls les actes obligatoires ou interdits jouissent d’une certaine attention particulière parmi les dispositions juridiques en islam.
4 – La nécessité de bien s’investir dans les sources de base islamique. Par exemple, la question des pleurs mérite une discussion et un débat, quoique les Wahabites jugent interdites les lamentations pour les morts et les martyrs. Pourtant il est rationnellement établi que les pleurs sont indispensables et recommandés. Il existe aussi des preuves aussi bien chez les chiites que les sunnites qui montrent qu’il est permis de pleurer pour les morts et les martyrs comme le cas de Hamza le grand oncle du prophète , sa mère et bien d’autres personnes.
5 – On peut lire dans les déclarations des jurisconsultes et des savants musulmans que celui qui est affecté par un malheur n’a pas le droit de se comporter n’importe comment. Non seulement certains actes engendrent des péchés, ils exigent également l’expiation. Tout acte imprévisible observé chez certains et non conforme à ma religion ne saurait être attribué à l’islam ou aux guides religieux
Avant de répondre à la question il importe d’apporter des éclaircissements sur quelques points en guise d’introduction :
1 – faut-il considérer comme pertinent tout hadith figurant dans n’importe quel livre ? Nous dirons ici que la crédibilité d’un hadith dépend d’une analyse de la chaine de transmission et du contenu. Un travail qui incombe aux experts et aux islamologues appelés faqih ou moujtahid. Rappelons qu’il faut un expert pour comprendre qu’un hadith (s’il est authentique) n’est pas contradictoire à un autre et faire la synthèse pour aboutir à une conclusion convenable. Savoir manipuler le Coran et les hadiths est semblable à l’informatique à notre époque. En effet, on peut se contenter d’une touche pour exécuter une action sur une page. Dans d’autres cas, il faut souvent deux ou plusieurs touches simultanément. Pour exécuter un programme on appuie sur la touche « entrer », mais pour d’autres, il faut appuyer à la fois sur « Ctrl + entrer ». On peut comprendre un sujet en se fondant sur un seul verset et un hadith. Tout comme il faut souvent consulter deux ou plusieurs versets et hadiths qu’on confronte pour obtenir ce qu’on veut. En guise d’exemple, il est écrit dans un passage de Nahjul balagha que l’imam Ali (as) dit alors qu’il donnait le bain rituel à la dépouille du noble prophète (ç) : « Si tu n’avait pas ordonné l’endurance et interdit le manque de maitrise de soi, j’aurais pleuré pour ta disparition au point de voir mes larmes se séchées. Cette peine aurait demeuré en moi pour toujours et mon affliction aurait été éternelle. Et tout cela ne représente rien par rapport à ton malheur »[1] Il est par contre écrit dans un autre passage que l’imam Ali dit au moment de l’inhumation du prophète (ç) : « Certes l’endurance est bien, sauf s’il s’agit de la douleur causée par ta disparition. Le manque de maitrise de soi est détestable sauf s’il s’agit de l’affliction engendrée par ton décès. La douleur de ta mort est incomparable et ni ceux d’avant encore moins ceux d’après ne représentent rien face au tien »[2]
Il existe quelques hadiths sur le port des vêtements noirs dont en voici quelques uns :
L’imam Ali (as) dit : « Ne portez pas le noir car c’est l’accoutrement du pharaon »[3]
Il est écrit dans un autre hadith : « l’imam Sadiq dit que le prophète jugeait détestable le port des habits noirs sauf dans trois cas : le turban, les chaussures et la soutane »[4]
2 – Il faut tenir compte des facteurs temps, lieu, jugement secondaire ou changement de contexte dans les dispositions de loi islamique. Certains grands jurisconsultes comme l’imam Khomeiny se sont penchés sur cette question et cela remonte à l’époque du prophète (ç). Un exemple palpable concerne la visite des tombes. Les savants sunnites rapportent que le prophète (ç) a dit : « jusqu’ici je vous avais défendu de visiter les tombes. Désormais vous pouvez le faire car visiter les tombes pousse à se détourner de l’intérêt pour les choses de ce bas monde et ne penser qu’à ce qu’il y a dans l’au-delà »[5]
Ne manquons pas de le souligner que les preuves de la visite des tombes sont innombrables dans le saint Coran et la sunna. Cela ne concerne pas notre sujet.
Admettant que le port du noir est détestable, certains penseurs estiment que le faire relève du cadre du jugement secondaire puisqu’il fait partie des symboles de respect et d’hommage à nos guides et cela posera un problème si quelqu’un s’y oppose.
3 – Nous savons que deux des cinq dispositions juridiques islamiques sont sensibles. Il s’agit des actes obligatoires qu’on doit accomplir et les interdits dont on doi s’en détourner. Le reste des dispositions juridiques ne présentent aucun impératif quand à leur accomplissement ou leur abandon. Les préoccupations aussi et les questions n’ont pas les même jugements. Les jugements varient et nous y reviendrons.
Mais en ce concerne la question posée à savoir : faut-il croire aux paroles du prophète (ç) et des Ahl-ulbayt (as) ou aux avis des savants chiites d’aujourd’hui, il importe de souligner quelques points :
A – Quelle est la position de la raison et la science par rapport aux pleurs ? La conjugaison des circonstances fait en sorte que les événements surviennent dans la vie de l’homme. De fois il rit, il est content et parfois il est triste, affligé et il pleure. Pleurer parfois est indispensable et les larmes soulagent si elles surviennent quand il faut. Les larmes viennent au secours de l’homme dans les moments difficiles et le soulagent des chaines des difficultés intérieures. Les pleurs permettent de nettoyer l’âme, préparent le terrain au repentir et ramollissent le cœur. Pleurer pour les opprimer est une manière de partager leur souffrance et d’exprimer sont dégout pour l’oppression. Pleurer est utile aussi bien du point de vue médical que psychologique.
A propos des lamentations pour les morts et les défunts, l’homme éprouve naturellement de l’affliction lorsqu’il perd un être cher.les larmes coulent involontairement sur ses joues. Cela est incontestable car il fait l’unanimité. L’islam aussi ne s’y oppose pas car elle est une religion qui s’accorde avec la nature de l’homme.
B – La position de la loi islamique par rapport aux lamentations.
1 – Les lamentations dans le saint Coran
Nous lisons dans la sourate Youssouf que le prophète Jacob avait pleuré d’affliction au point de perdre la vue.[6] Cela n’a rien à voir avec l’endurance car le cœur des hommes de Dieux est l’expression de grande affection et sentiment. Ce n’est pas donc étonnant de voir les larmes coulées de leurs yeux tel un ruisseau pour la perte d’un enfant. L’important est de ne pas perdre le contrôle de soi, dire ou faire des choses contraires à l’agrément de Dieu.
2 – La tradition du prophète (ç), des Ahl-ul-bayt et des musulmans en ce qui concerne les lamentations pour les morts et les martyrs est un sujet qui suscite beaucoup de débat. Contrairement aux Wahabites qui disent qu’il est interdit de se lamenter pour les morts, un regard sur l’histoire laisse voir que le prophète (ç) et ses compagnons ont agi ainsi en suivant leur instinct. Voici quelques preuves historiques :
Le noble prophète (ç) était en train de pleurer la disparition de son fils Ibrahim et certains lui reprochèrent cela. Il répondit : « les larmes coulent des yeux et c’est normal que le cœur s’attriste, mais je ne dis pas des choses qui peuvent susciter la colère divine ».[7]
Dans un autre passage nous lisons : « Ces lamentations ne s’assimilent pas au manque de maitrise de soi ; elles sont l’expression de la clémence »
Ajoutons aussi que dans la poitrine de l’homme loge un cœur et non une pierre. Il est donc tout à fait normal qu’il réagisse face à tout ce qui touche ses sensibilités. Et quand on est touché, pleurer est la plus simple marque. C’est un bienfait et non un défaut. Il n’y a que des propos qui peuvent engendrer la colère divine qui posent un problème.[8]
L’autre exemple qui mérite d’être cité s’est produit lorsque le prophète (ç) perdit son oncle Hamza. Il dit : « lorsque Hamza tomba sur le champ de bataille à Ouhoud, sa sœur Safiyya vint et se mit à chercher le prophète (ç). Lorsqu’elle le trouva le prophète (ç) était à une distance entre elle et les Ansar. Le messager de Dieu dit : laissez-la tranquille ! Safiyya s’approcha du prophète et de la dépouille de son frère, s’assit et pleura. La voix de lamentation du prophète montait chaque fois que Safiyya haussait la voix. Lorsque sa voix baissait, le prophète baissait la sienne. Fatima la fille du prophète pleurait aussi et le prophète pleurait avec elle en disant : nul ne sera affecté comme toi »[9]
Il est rapporté dans certains ouvrages : « après la guerre de Ouhoud, le prophète remarqua que de chaque maison des Ansar ayant sacrifié quelqu’un dans la bataille s’élevaient les voix de pleurs. Le messager de Dieu lança : n’y a-t-il personne pour pleurer Hamza ? Lorsqu’il entendit ces propos, Sad IbnMa’az se rendit auprès des femmes de Bani Abdou Ashal et les invita à venir pleurer en la mémoire de Hamza. Dès lors, toute femme Ansar ne pleurait un mort qu’après avoir pleuré pour Hamza »[10]
On réalise donc non seulement le messager de Dieu a pleuré pour Hamza, on a aussi l’impression qu’il avait ordonné aux femmes Ansar de le pleurer également.
Le prophète pleura lorsqu’il se rendit sur la tombe de sa mère, si bien que son entourage se mit aussi à pleurer.[11]
On voit aussi qu’après la mort du prophète, sa fille disait en pleurant : ô père ! Tu es auprès de ton Dieu et tu as répondu à son appel. Père ! le plus grand niveau du paradis est ta demeure »[12]
Il existe bien d’autres preuves qui montrent que le prophète, les Ahl-ul-bayt et les compagnons ont pleuré pour les morts et les martyrs. Nous nous abstenons de les énumérer pour des raisons de concision.
C – Les jurisconsultes et les experts en religion estiment-ils que tout est permis lorsqu’on commémore la mort des êtres chers, lors des malheurs, des difficultés ou des événements ? Nous apportons ici les points de vues de certains jurisconsultes :
Il est permis de pleurer pour les morts et cela est même recommandé lorsque la douleur est grande, seulement, il fau éviter de dire des choses pouvant provoquer la colère divine. Commémorer les morts par les chants poétiques ou non poétiques ne présente aucun problème, pourvu que le contenu ne soit pas creux et dépourvu de mensonges et des interdits. Par précaution, il faut éviter de crier « woh oh oh ». Il n’est pas aussi permis précaution oblige de se frapper le visage, se griffer la peau, s’ébouriffer ou s’arracher les cheveux, crier hors limite… Certains de ces actes entrainent l’expiation.[13]
La position des jurisconsultes chiites correspond à celle des guides religieux. Soulignons aussi que les jurisconsultes et les islamologues s’inspirent des sources de base islamique pour reconnaitre que le mot « endurance » est plein de valeur et recommandé dans tous les discours lors des malheurs et lorsqu’on a perdu quelqu’un de très cher. L’homme qui fait preuve d’endurance reçoit pleines de récompenses.
L’endurance est la première attitude à adopter par un musulman en cas de malheur. Les lamentations et autres ne présentent aucun problème. Mais les gestes qu’on voit chez certaines personnes ‘comme se griffer le visage, détruire les cheveux, hurler…) ne sont pas approuvés par les hadiths et les guides religieux.
Le cher frère qui a donc posé cette question doit revoir sa compréhension de la chose.
D – rappelons aussi que l’homme est un être complexe doté de plusieurs dimensions qui s’influencent entre elles. L’islam s’appuie sur ce facteur psychologique pour renforcer et promouvoir la religion. Le prophète ordonna de pleurer pour Hamza et en fit autant. C’est en s’inspirant de cela que les imams se lamentent et commémorent la mort de l’imam Hossein le maitre des martyrs.[14]
Thème similaire : Lamentations des visiteurs du cimetière de Baqi
[1] - Nahjul Balagha, discours 235
[2] - Nahjul Balagha, pensée 292
[3] - Ilalul sharaa’I, vol 2, page 347
[4] - id
[5] - Sounanou Ibn Majah, vol 1, page 114
[6] - Sourate : 84
[7] - KAfi, vol 3, 262
[8] - Tafsir Nemouneh, vol 9, page 352
[9] Al semaa Mouqriri, page 154
[10] - Tabaqât Ibn Saad, vol 3, page 11; Mousnad Ahmad, vol 2, page 129
[11] - Rahnema’I haqiqat, Ja’far Sobhani, page 231
[12] - Id page 232
[13] - Tahrir ul wasaa’il Imam Khomeiny, vol 1, page 93
[14] - Behar oul anouar, vol 44, page 292